Il était une fois, la petite tasse du Gloupier…

Pourquoi un temps de création si long?

Mon chéri est connu dans notre cercle d’amis pour raconter l’histoire du Gloupier. C’est une histoire à tiroirs où chaque étape est une aventure en soi que Laurent, en véritable conteur, s’amuse à étoffer d’une version à l’autre. Elle semble interminable et pourtant de nombreuses personnes ont tenu jusqu’au bout, partagées entre impatience et curiosité, captivées par les péripéties du déroulement. Personne ne reste inchangé à une telle expérience.

La céramique pour moi ressemble beaucoup à l’histoire du Gloupier: c’est une aventure longue, un jeu de patience que seuls les passionnés peuvent apprécier à sa juste valeur, avec une chute toujours étonnante.

Je vous raconte ici, avec beaucoup moins de talent que mon chéri, l’histoire de la création de la tasse à expresso de la collection Ramilles pour vous donner un aperçu de cette épopée.

Etape 1: le tournage

Notre protagoniste sort d’un amas sans forme de terre. Façonner les mottes de grès, tourner les tasses une à une aussi régulières que possible. Puis les mettre de côté. Derrière la magie du tournage se cachent entre 15 et 20 minutes de concentration par tasse.

Etape 1 bis: façonnage des anses

Etaler une plaque d’argile, la découper en fines lanières et façonner chaque anse que l’on réservera en attente de la suite. Une dizaine de minutes chaque.

Et là, repos de la terre saturée d’eau, malléable, à la merci de la moindre déformation. Au moins une nuit.

Etape 2: le tournassage

Le lendemain, on repasse sur le tour pour tournasser le dessous de notre tasse. La terre plus solide nous permet de former un bel arrondi et d’aplanir le fond pour assurer la stabilité. Finition 10 minutes par tasse.

Etape 2 bis: le collage des anses

Voici le moment de recouper chaque anse à la bonne longueur, d’essayer l’assemblage, d’ajuster, de centrer et enfin de coller les deux pièces à la barbotine. Notre sujet prend forme. Environ 15 minutes par pièce.

Laissons notre petite tasse se reposer la nuit pour consolider l’ensemble afin de pouvoir la manipuler.

Etape 3: la finition des anses

Sur ce modèle, les arrêtes des anses sont adoucies. Je les découpe puis les arrondis. Et hop 10 minutes supplémentaires.

Etape 4: l’engobe

Le fond coloré est créé par un balayage au pinceau d’une engobe céladon: un petit 5 minutes. Mais pour obtenir une couleur intense, il faut 2 ou 3 couches suivant les couleurs.

Etape 5: la gravure

Juste après la dépose de l’engobe, je travaille sur la gravure. Tout en gardant l’esprit de la collection, j’incise chaque ramille selon l’inspiration. Je les agrémente ensuite du dessin de petites feuilles pour lesquelles je reviens gratter l’intérieur. Une reprise de l’ensemble pour rendre les contours plus nets et le tour est joué: 45 minutes.

Vous me direz: ça y est, la tasse est finie! Une moyenne de 2 heures de travail étalées sur deux jours. Alors pourquoi un délai de plusieurs semaines voire de mois? Parce que nous n’avons parcouru que la moitié du chemin.

Etape 6: le séchage

Avant de mettre notre petite tasse au four pour la première cuisson, elle doit sécher à cœur. Si tout va bien, 3 à 4 jours devraient suffire. Mais c’est bien connu: dans les bonnes histoires il y a toujours des orages , de l’humidité dans l’air. Comptons plutôt une semaine complète.

Et comme notre héroïne n’aime pas être seule, elle doit attendre de la compagnie pour se lancer. Je mets à peu près 3 semaines à produire seule le nombre de pièces nécessaires pour remplir mon four de 100 litres. Ouh là là! On arrive déjà à 3 ou 4 semaines.

Etape 7: la première cuisson

On l’appelle la cuisson du dégourdi. Elle permet d’extraire toute l’humidité de l’argile et de réagencer ses petites plaquettes pour la rendre solide. Une dizaine d’heures pour atteindre la bonne température à la bonne vitesse. Tout en douceur pour éviter les fentes ou la casse. Et encore 24 heures de refroidissement pour pouvoir ouvrir le four sans choc thermique.

Après tous ces changements, une nuit de repos bien méritée pour revenir à la température ambiante.

Etape 8: l’émaillage

Pour notre tasse Ramilles, tout le décor est réalisé en amont de la première cuisson. Cette étape servira à déposer une fine couche d’émail à l’intérieur et à l’extérieur du corps pour l’imperméabiliser. Un petit bain, un nettoyage minutieux du fond et de l’anse qui doivent rester en terre brute et elle sera prête pour briller de mille feux. Je passe souvent la journée pour émailler l’ensemble d’un four. Ramenons à une quinzaine de minutes pour notre pièce.

Et une nuit de plus à patienter pour que l’humidité de l’émail s’évapore avant le deuxième passage au four.

Etape 9: la deuxième cuisson

Elle permet d’achever la cuisson de l’argile en provoquant le grèsage et bien sûr de cuire l’émail qui devient dans notre histoire lisse et transparent. De nouveau 10 heures de cuisson et 24h de refroidissement.

Etape 10: l’ouverture du four

C’est le moment crucial, le dénouement de notre histoire. Retenons notre souffle pour découvrir si notre petit tas de terre s’est confirmé être une tasse élégante et brillante ou si suite à un mauvais sort, elle ressortira difforme, fendue ou opaque…

Et voilà! Si vous avez tout suivi, notre petite tasse a besoin de presque 2h30 de travail et de plus d’un mois pour se métamorphoser. Et comme je ne suis pas encore complètement au point, je dois en faire plusieurs pour être sûre d’en avoir quelques-unes de semblables à la fin car chaque étape rescelle ses pièges.

Mon chéri ne tient pas un mois sur l’histoire du Gloupier, mais 2h30… c’est déjà arrivé!

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